Un voyage à l’étranger qui devient un voyage à l’intérieur de soi.
Jérôme m’a proposé d’écrire un article sur mon voyage au Québec. Un véritable défi que j’ai accepté de relever, à un moment où je ne trouve plus tellement de raison de me lever le matin.
Ecrire, c’est quelque chose que j’ai pourtant eu envie de faire à mon retour en France, à la fin du mois de juin de cette année 2018. Parce qu’il s’en est passé des choses pour moi là-bas, au Québec, à travers ce long voyage de deux mois… Mais écrire, ce n’est pas évident quand il s’agit de parler de moi. J’ai peur de me dévoiler, de me mettre à nu, qu’on me juge…
Alors avec cet article, je me lance et on verra bien ! Peut-être qu’avec vos commentaires, vos questions, vos remarques, j’aurais des pistes pour continuer à en écrire. Parce qu’une chose est sûre : à l’écrit comme à l’oral, j’aime raconter mon quotidien, parce que je vois bien que je suis capable de vous inspirer.
Je m’appelle Ludivine Lesénéchal et j’ai eu 37 ans cette année.
Pourquoi suis-je partie si loin et aussi longtemps ?
A l’origine de ce voyage, j’avais ce besoin de partir loin et longtemps, pour faire le point sur ma relation sentimentale de presque dix ans. Je me sentais alors dans une impasse : Bien que la recherche génétique avait permis d’identifier la mutation à l’origine de mon handicap, et pouvait ainsi empêcher tout risque de transmission à ma descendance, mon ami ne voulait toujours pas s’engager plus loin et fonder une famille.
J’avais pensé à ce voyage dès le mois de novembre 2017.
Les étapes pour organiser ce voyage
Mon premier challenge était de réussir à confier mon vieux chien à ma mère, ce que bien sûr, elle a généreusement et facilement accepté.
Deuxième étape pour me rassurer, j’ai créé un groupe sur Facebook, afin que les personnes du Québec que je connaissais puissent m’aider à organiser mon voyage :
- Je voulais savoir par exemple les endroits incontournables à visiter, ceux qui me seraient également accessibles.
- Mais encore, où étaient situées les personnes que j’avais en ami(e)s Facebook et si je pouvais les visiter, avec l’objectif de transformer nos relations virtuelles en réel.
- Comme j’aime manger et découvrir de nouvelles saveurs et habitudes autour de l’alimentation, je voulais aussi connaître les spécialités locales à déguster ou à ne pas manquer.
- Vu que je suis en fauteuil roulant, je voulais savoir si je pouvais me déplacer facilement avec les transports en commun, ou s’il me faudrait louer une voiture par exemple.
- Enfin, j’avais aussi conçu sur ce groupe FB une rubrique pour demander et vérifier si c’était possible de travailler là-bas, le temps de mon séjour, en tant que formatrice (remise à niveau en français).
Troisième étape, mais qui aurait en fait très bien pu être la première : Réserver mes billets d’avion A/R. Je ne vous raconte pas la peur et mon malaise avant d’être capable d’appuyer sur le bouton « Acheter » du site de réservation !
Même si je n’avais pas tellement l’impression d’être stressée, c’était quand même la première fois que j’allais partir si loin, dans un pays inconnu, seule alors que je suis en fauteuil roulant, et sur une durée aussi longue.
Le plus stressant en fait, pour moi c’était de ne pas savoir ce que j’allais y faire, bien que je sache pourtant que le programme se dessinerait au fur et à mesure, par les échanges et les informations qui me seraient données sur le groupe.
Un « point final » anticipé
Chose inattendue, un mois et demi avant le jour du grand départ, le huit mars (journée de la femme !), j’ai reçu une longue et magnifique déclaration d’amour par email. Grâce à cela, j’ai eu le courage de rompre. Ça a été dur, parce que je voyais mon ami souffrir, mais il y a eu en moi un tel sentiment de libération et de soulagement, que je ne pouvais les nier. J’étais si apaisée de ma décision !
Malgré cette épreuve très difficile pour lui, mon ami a été très loyal et il est resté s’occuper de mes chattes durant tout mon voyage, comme il s’y était engagé initialement.
Alors qu’à la base l’objectif de ce voyage était de faire le point sur ma relation sentimentale, avec cette séparation je suis donc partie pour ainsi dire, « Libérée, délivrée ! » Très vite et avec le recul, je me suis aperçue que cela m’avait permis de mieux profiter de chaque jour, de chaque instant : Je n’avais plus cette problématique en toile de fond, cette mise au point à faire. J’aurais peut-être même eu la boule au ventre de revenir en France tout en ayant à affronter l’inéluctable.
Parce qu’au fond de moi, je crois que je savais que l’issue était celle de la séparation : La distance m’aurait simplement aidée à lui faire part de ma décision. Ça aurait été plus facile de ne pas être là et le voir souffrir.
Ce que j’ai trouvé dans ce voyage
« Libérée, délivrée », je suis donc partie avec une ouverture totale aux événements, aux autres et à ce qui se passait en moi.
L’amour
La distance et les deux mois passés là-bas m’ont confortée dans mon choix de m’être séparée. Je réalisais que je m’étais enfin choisie et je ne regrettais rien ! J’étais bien ! Sereine et confiante qu’un meilleur et plus bel avenir amoureux m’attendrait. Et, si l’occasion s’était présentée là-bas de rencontrer mon prince charmant, j’aurais été prête à l’accueillir.
C’est bien connu aussi, les québécois sont des gens sympas, voire très sympas : Je me suis sentie, très vite, inondée d’amour !
Toutes les preuves d’amour que je recevais ont eu dans les premiers temps l’effet d’un tsunami : j’en étais tellement émue que j’en pleurais ! Jusqu’à ce que j’intègre finalement l’idée que j’y avais droit, que c’était un droit légitime que d’accepter et de profiter de cet amour, de me remplir de lui jusqu’à ce que la coupe soit pleine et déborde ! Mais pouvais-je réellement être rassasiée de recevoir de l’amour ???
Une chose est sûre, c’est que j’étais naturellement dans le partage : Je suis par nature, celle qui écoute l’autre sans le juger, qui lui permet de s’exprimer et bien souvent de se libérer. J’écoute mais je ne dis rien, ou très peu, surtout pas si ce que je pense contredit mon interlocuteur. Je suis de celle qui ne veut surtout pas blesser, et parce que très sûrement je ne veux pas être blessée en retour…
L’autonomie et le courage
Ce voyage m’a également permis de reprendre conscience de ma plus grande qualité : le courage. Je n’en avais pas conscience et au tout début de mon voyage cela ne me paraissait même pas extraordinaire, mais j’ai en fait rapidement compris que j’avais osé ce que beaucoup n’auraient pas fait !
Je m’en suis rendue compte à force de discuter avec les personnes que je rencontrais : « Mais vous êtes toute seule ? » me questionnaient-elles toutes quasi-systématiquement. Elles devaient sûrement se demander comment une femme en fauteuil roulant pouvait avoir eu l’audace de partir si loin et seule, dans sa situation ?
Bien qu’en situation de handicap, j’ai toujours cherché à être autonome sur un maximum d’activités au quotidien. Et là pour le coup, j’ai vraiment eu à apprendre à faire de nouvelles choses ! Je ne vous ai pas encore dit, mais j’avais loué un petit camping-car pour pouvoir aller où je voulais en toute autonomie, et pouvoir surtout me reposer aux moments où j’en avais le plus besoin. Mais je n’étais jamais partie en vacances en camping-car ! Il m’a fallu, par exemple, apprendre à conduire un véhicule d’un aussi grand gabarit et alors que je ne vois que d’un œil, à me repérer sur des routes et dans des grandes villes inconnues (merci à l’inventeur du GPS !), à faire les vidanges des eaux grises et noires …etc.
Cela n’a pas été facile au début, j’étais en plus très fatiguée : Je pensais juste que c’était à cause du décalage horaire (6h), mais mon amie Fernande récemment rencontrée m’avait fait comprendre que ma fatigue venait très certainement du mode « apprentissage » dans lequel j’étais plongée, de fait.
Autre réapprentissage et non des moindres, a été de reprendre peu à peu à marcher. Car contrairement à lorsque je suis dans mon appartement, en étant dans ma « maison mobile », je ne pouvais pas rester dans mon fauteuil pour circuler ! J’étais donc plus souvent debout. Sans compter les efforts que je devais fournir pour monter et descendre du véhicule, que ce soit pour moi ou mon fauteuil roulant !
Reprendre la marche, m’apercevoir que je pouvais le faire, a été la plus belle découverte de ce voyage. D’ailleurs, peu de temps avant la fin, quand les personnes me demandaient si je n’étais pas trop triste qu’il se finisse, je disais : « Non, mon voyage ne finit pas ! Au contraire, il ne fait que commencer !!! »
En rentrant en France, je me suis donc entraînée chaque jour à augmenter ma distance de marche : d’une centaine de mètres aux premiers essais, je suis arrivée à mon record actuel de près de deux kilomètres et ce, deux jours d’affilée.
L’envie de transmettre et de raconter le tout : mes difficultés.
J’avais donc, à mon retour, envie de raconter tout cela : mes rencontres, mes échanges, mon cheminement intérieur, mes bienfaits au niveau de ma santé et de la reprise de la marche. Mais comment ? Un livre me paraissait être une très bonne idée, mais chaque fois que je m’y mettais mon saboteur intérieur revenait à la charge : « Mais qui es-tu toi ?! Tu crois vraiment que les gens vont s’intéresser à ce que tu racontes ?! »
J’ai depuis réussi à écrire quelques pages, mais avec difficultés et sans grande conviction que cela pourrait servir un jour. Il m’est tellement plus simple d’écrire pour les autres ou d’améliorer leurs écrits, c’est d’ailleurs une partie de mon travail actuel.
Alors voilà, je lance ce premier jet et on verra bien la suite ! Si c’est en forgeant qu’on devient forgeron, alors c’est sûrement en écrivant que j’arriverai un jour à être satisfaite de ce que j’écris, non ?
Mais je vois bien que c’est difficile et pas encore naturel ou fluide : Je suis tentée de procrastiner en jouant à des petits jeux sur mon téléphone, j’ai la tête préoccupée par plein de pensées qui cherchent à me faire diverger, j’ai envie de grignoter des fruits secs, je me dis que je dois faire du rangement avant de pouvoir m’y mettre…
Avez-vous aimé lire cet article ? Qu’aimeriez-vous savoir de plus concernant ce voyage ? Avez-vous déjà eu l’envie d’écrire sur vous ou quelque chose que vous avez vécu ? Comment avez-vous fait ?